Cet article examine le Brexit sous l’angle de vue de la place faite aux différents récits sur la Grande-Bretagne et sur ses rapports avec l’Europe et le reste du monde. Jusqu’ici les études ont vu dans le Brexit le résultat de la montée du populisme et de la diffusion de récits anti-européens fondés sur l’anglicité, sur l’anglosphère et, de façon plus problématique, sur un passé national glorieux. L’article démontre que ces différents récits ont eu pour effet de délégitimer l’intégration européenne, perçue comme préjudiciable à la démocratie et à la souveraineté nationale. D’une manière analogue ces récits de délégitimation relevaient à leur tour d’une lecture très sélective de l’histoire britannique et d’un oubli ou d’une infirmation de l’importance des frontières économiques et politiques. Ce fut précisément cette alliance entre une mémoire historique sélective et un récit insistant sur l’oppression exercée par l’Union Européenne qui créa un moment révolutionnaire. Le Brexit eut donc comme origine de multiples oublis.