L’âge en droit des personnes, de la famille et de l’enfance - Université catholique de Lille Accéder directement au contenu
Ouvrages Année : 2023

L’âge en droit des personnes, de la famille et de l’enfance

Résumé

Parce qu’ils sont susceptibles de causer ou d’aggraver une situation de fragilité ou de dépendance, certains âges de la vie ont vocation à être pris en compte par le droit, principalement dans un souci de protection des personnes vulnérables. Le législateur fixe ainsi des seuils d’âge, qui constituent alors un critère essentiel de protection. La minorité en est l’exemple le plus évident : l’individu âgé de moins de 18 ans bénéficie d’une protection – tant en droit civil qu’en droit pénal – précisément en raison de sa particulière vulnérabilité résultant de son jeune âge. Parfois, ces seuils d’âge sont mobilisés de façon complémentaire à d’autres critères, tels que le discernement ou la maturité s’agissant des mineurs ; l’âge retenu par la loi permet dans ce cas d’éclairer le critère auquel il est associé. Il arrive également que le législateur se refuse, malgré les préconisations de la doctrine et des professionnels, à fixer des seuils d’âge, dans le but affiché de permettre une adaptation du cadre protecteur à la particularité des situations rencontrées en pratique. Il recourt alors à d’autres critères, se voulant caractérisés par une grande souplesse, tels que le discernement qui est parfois utilisé de façon exclusive, c’est-à-dire sans référence à l’âge de l’intéressé. Or ces critères sont sources de difficultés puisqu’ils favorisent la subjectivité et l’arbitraire judiciaire ainsi que des pratiques disparates. Ils sont par conséquent facteurs d’aléas et d’insécurité juridique et peuvent créer des inégalités de traitement, voire des situations de discrimination, là où la fixation de seuils d’âge aurait eu le mérite de l’objectivité. L’ouvrage proposé a pour ambition de s’interroger sur la pertinence de ces seuils d’âge ou de leur absence, sur leur cohérence et leur mise en œuvre, ainsi que sur les conséquences que peuvent emporter les critères tantôt associés à l’âge, tantôt privilégiés à l’âge, sur la situation juridique et la protection des personnes vulnérables. Ces questionnements s’inscriront plus particulièrement dans le champ du droit des personnes, de la famille et de l’enfance et seront articulés autour de cinq thématiques : -l’appréciation et les effets de l’âge dans le traitement des mineurs non accompagnés ; -âge, protection et autonomie décisionnelle de l’enfant mineur ; -l’âge du discernement en droit pénal des mineurs ; -l’âge, le mariage et la filiation ; -l’âge en droit des séniors. Premièrement, c’est au sujet de la protection dont devraient bénéficier les mineurs non accompagnés que sera questionnée la pertinence de la délimitation de la minorité, ainsi que sa capacité à protéger un public pouvant être considéré comme vulnérable voire « sur-vulnérable ». L’évaluation de la minorité des jeunes non accompagnés présente aujourd’hui des limites substantielles qui remettent en cause l’effectivité de leur protection, ce qui résulte également de l’émergence de seuils d’âge plus ou moins formalisés et de pratiques hétérogènes dans la prise en charge proposée. Deuxièmement, en matière civile, le législateur retient des seuils d’âge qui ont notamment pour fonction de garantir une protection renforcée pour une tranche d’âge dédiée, particulièrement dans le cadre du droit de la famille et en matière de protection de l’enfance. Ces seuils d’âge favorisent aussi l’autonomie décisionnelle du mineur ayant atteint le seuil visé, cette autonomie devant concourir à la prise en compte et la protection de ses besoins, dont il est considéré comme l’un des meilleurs experts. Dans certains cas, le discernement est utilisé sans référence à l’âge de l’enfant, notamment pour conditionner la possibilité qui lui est reconnue de participer aux décisions le concernant. Le discernement est en pratique apprécié subjectivement, ce qui questionne quant à l’impérative protection due à l’enfant. Par ailleurs, le caractère inflexible des seuils d’âge fait naître une certaine brutalité, par exemple lorsqu’elle conduit à des « sorties sèches » des jeunes concernés des dispositifs de protection de l’enfance. Troisièmement, les seuils d’âge ont toujours tenu une place déterminante dans le cadre du droit pénal des mineurs. S’agissant d’une part des mineurs délinquants, leur responsabilité pénale dépend de leur capacité de discernement, laquelle est désormais présumée au-delà d’un certain âge. S’ils sont effectivement doués de discernement, la réponse pénale qui va être apportée à l’acte infractionnel va alors dépendre de la tranche d’âge dans laquelle ils se situent. Il en va de même pour le régime pénitentiaire applicable aux mineurs incarcérés. Concernant d’autre part les mineurs victimes, si tout mineur bénéficie d’une protection par le droit pénal – lequel réprime certains comportements uniquement lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’un mineur –, les enfants âgés de moins de 15 ans font l’objet d’une protection renforcée en raison de leur particulière vulnérabilité, par exemple au regard de la circonstance aggravante de certaines infractions tenant au fait que la victime est un mineur de 15 ans. Il est alors possible de se demander si l’articulation et la mise en œuvre de ces seuils d’âge permet réellement une meilleure garantie des droits du mineur et une protection effective des enfants concernés. Quatrièmement, le droit civil de la famille et le droit de la santé retiennent des seuils d’âge lorsqu’il s’agit de fonder une famille. L’âge du mariage est ainsi défini par la loi, de même que celui pour adopter ou pour recourir à une procréation médicalement assistée. Si une cohérence d’ensemble s’avère difficile à déterminer, se pose aussi la question de la mise en œuvre de ces seuils d’âge et de leur effectivité pratique, par exemple dans un contexte de diminution des enfants « adoptables » ou de dons de sperme ou d’ovocytes en quantité inférieure à la demande depuis que la procréation médicalement assistée a été ouverte aux couples de femmes et aux femmes seules. L’instauration de seuils d’âge dans la pratique pose naturellement la question de leur harmonisation. Enfin, dans un contexte de vieillissement de la population, la question de la dépendance des personnes âgées est porteuse de nombreux enjeux tenant à la protection des « séniors ». La vieillesse étant considérée comme une source de vulnérabilité, certaines prestations sociales ont ainsi pu être prévues à partir d’un certain âge et les règles relatives à la protection des majeurs vulnérables ont récemment évolué dans le but d’adapter les procédures à la réalité des situations. Ces évolutions sont pourtant loin de résoudre toutes les difficultés.

Domaines

Droit
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04366966 , version 1 (29-12-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04366966 , version 1

Citer

Blandine Mallevaey, Léa Jardin (Dir.). L’âge en droit des personnes, de la famille et de l’enfance. Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie. A paraître. ⟨hal-04366966⟩

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